Le 1er octobre 2018, la Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault récolte 37,42 % du suffrage populaire, fait élire 74 députés sur une possibilité de 125 et forme un gouvernement majoritaire. Cette élection, qui consacre la volonté des Québécois de sanctionner les vieux partis et de sortir de l’alternance PLQ/PQ au pouvoir depuis 1960, marque un tournant sur la scène politique québécoise.

Le plus incroyable est que François Legault a fondé la CAQ en 2011 et s’est hissé au pouvoir en seulement trois élections générales. À titre de comparaison, Québec solidaire a été fondé en 2006 et son sommet historique est de dix députés après cinq élections générales auxquelles cette formation a participé.

 

Un style de gouvernance

Au-delà du programme du parti, c’est la personnalité de leur chef que les Québécois ont plébiscité le 1er octobre 2018. À l’opposé de Philippe Couillard ou de Jean-François Lisée qui passaient pour snobs ou déconnectés des « petites gens », François Legault a su établir une proximité, voire une connexion avec son électorat.

À titre d’exemple, lors de la campagne électorale, il s’est fourvoyé sur le processus et les délais d’obtention du certificat de sélection du Québec et de la citoyenneté canadienne. Au débat des chefs suivant, il a reconnu s’être trompé et s’est excusé en disant que les Québécois ne lui demandent pas d’être parfait, mais de faire de son mieux. Des propos déconcertants quand on a été habitué au style professoral du Dr Couillard qui, jusqu’à la fin de la campagne électorale, n’a pas démordu du fait qu’il était tout à fait possible de faire une épicerie hebdomadaire pour quatre personnes avec 75 $.

Une première année de gouvernance sur les chapeaux de roues


On a rapidement senti chez François Legault une volonté que son gouvernement passe à l’histoire. Le gouvernement a voulu profiter de sa lune de miel avec les Québécois pour frapper fort et vite.

En date du 20 septembre 2019, 32 projets de loi ont été déposés par le gouvernement et 17 ont reçu la sanction royale.

Parmi ceux-ci figurent des lois emblématiques du gouvernement Legault qui feront certainement partie de son bilan :
• Loi modifiant les règles encadrant la nomination et la destitution du commissaire à la lutte contre la corruption, du directeur général de la Sûreté du Québec et du directeur des poursuites criminelles et pénales
• Loi resserrant l’encadrement du cannabis
• Loi visant l’instauration d’un taux unique de taxation scolaire
• Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique et d’autres dispositions à l’égard des services de l’éducation préscolaire destinés aux élèves âgés de 4 ans
• Loi sur la laïcité de l’État
• Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des
personnes immigrantes

Finances publiques

L’austérité libérale et leurs coupes dans les programmes sociaux ont donné une grande marge de manœuvre à François Legault quand est venu le temps de son premier budget en mars 2019. Ce dernier a choisi de réinvestir de façon significative dans les ministères et programmes sociaux en plus de donner des outils à Investissement Québec pour intervenir dans l’économie québécoise. Il a choisi aussi de ne pas déclarer de baisses d’impôt, ses principales mesures pour baisser
le fardeau fiscal se limitant à l’uniformisation de la taxe scolaire, au retour au tarif unique dans les garderies et au remboursement d’achat de lunettes pour les mineurs. L’économie générant des revenus supérieurs à ceux anticipés pour le gouvernement, ce dernier est persuadé de maintenir l’équilibre budgétaire pour la totalité de son mandat.

Nationalisme

Évacuant l’indépendance de sa démarche, François Legault appuie sa vision du nationalisme québécois sur quatre piliers, soit la langue française, la culture, l’économie et la laïcité. 

Quant à la laïcité, le projet de loi piloté par le ministre Jolin-Barrette interdisant les signes religieux pour les représentants de l’État en position d’autorité est entré en vigueur et la clause dérogatoire va probablement le maintenir à l’abri d’une contestation judiciaire victorieuse. Par ailleurs, s’il fallait que la Cour suprême passe outre la clause dérogatoire pour juger la loi anticonstitutionnelle, cela entraînerait un électrochoc politico-juridique au Québec qui ne pourrait que bénéficier à François Legault.

Son nationalisme s’est aussi exprimé lors de l’élection fédérale d’octobre 2019 où il a formulé sa liste de revendications : 
• Assujettir les entreprises de compétence fédérale à la Loi 101;
• Étendre les pouvoirs de Québec en matière d’immigration;
• Autoriser la déclaration unique de revenus;
• S’engager à ne pas contester juridiquement la Loi sur la laïcité.

La force de Legault tient aussi de la faiblesse relative des partis indépendantistes québécois. En effet, on aurait attendu d’eux qu’ils prennent la balle au bond pour affirmer que ses demandes seront rejetées et que la seule façon d’y accéder est de faire un pays. Cela leur permettrait d’occuper de l’espace sur le terrain nationaliste, mais cette réplique n’est pas venue. Si ce n’est pas surprenant de Québec solidaire qui ne fait que le service minimum en matière d’indépendance et
de nationalisme, c’est beaucoup plus surprenant du Parti québécois dont il s’agit de l’article 1 du programme du parti.

Par conséquent, Legault est en selle, la lune de miel avec les électeurs ne semble pas s’estomper et même le fait qu’il renonce à réformer le mode de scrutin d’ici la prochaine élection ne paraît pas entamer son capital politique. Au vu de la faiblesse des partis d’opposition, du financement politique qui va bon train et de la vigueur de l’économie, il est difficile d’entrevoir qui va arrêter François Legault.