Alors que je lisais Le lambeau, le procès des attentats du 7 janvier 2015 (Charlie Hebdo) et du 9 janvier 2015 (épicerie Hyper Cacher) se tenait, ramenant à l’actualité les faits décrits dans le roman.
Puis, le 16 octobre 2020, l’enseignant Samuel Paty est décapité pour avoir montré des caricatures de Charlie Hebdo.
Vint ensuite la condamnation mièvre de Justin Trudeau des attentats, excusant presque les meurtres de Charlie Hebdo et de l’enseignant Paty sur la base que « la liberté d’expression ne sert pas à offenser les gens » et que « montrer les caricatures revient à crier au feu dans un cinéma bondé ». Bref, pour notre premier ministre, des caricatures peuvent constituer des provocations qui permettent de comprendre pourquoi on en vient à assassiner des gens. Pourtant, cette définition personnelle que donne Trudeau de la liberté d’expression est beaucoup plus restrictive que celle définie dans la Charte canadienne.
En plus des incidents s’étant produits en France et à l’Université d’Ottawa, où la liberté académique est remise en cause et la censure remise au goût du jour, on assiste à la mise à l’index de divers livres. Que l’on pense aux accusations de pornographie juvénile contre l’auteur Yvan Godbout (qui sera éventuellement acquitté) ou encore au pamphlet révolutionnaire de Pierre Vallières contre lequel des étudiants de Concordia ont lancé une pétition pour le faire retirer du cursus scolaire, je crois que la liberté d’expression
est en grand danger. Elle est en danger d’autant plus, si nos politiciens la laissent s’étioler par clientélisme électoral au profit de groupes ayant de l’ascendant sur leurs ouailles et pouvant donner des consignes de vote. Or, la loi établit des limites très claires à la liberté d’expression. À l’intérieur
de ces limites, nous devrions tous non seulement la défendre, mais aussi l’exercer, « par esprit de liberté et par goût de la manifester, à travers l’information ou la caricature, en bonne compagnie, de toutes les façons possibles, même ratées, sans qu’il soit nécessaire de les juger¹».
Tous ceux qui aiment les livres et les pamphlets qui leur font voir le monde autrement devraient se méfier de ceux qui veulent restreindre la liberté d’expression et interdire des œuvres. Nous vivons déjà suffisamment dans un monde dystopique, je n’ai pas envie qu’en plus, on interdise les
livres ou qu’on les brûle, comme dans Fahrenheit 451 de Ray Bradbury.
1. Philippe Lançon – Le Lambeau, page 204